TEST Jenny Hensen

L'air était particulièrement frais ce samedi-ci. Mon regard se promenait allègrement de vitrines en vitrines, qui semblaient ne pas vraiment attirer l'attention des autres piétons. La rue était peu agitée, et même en ce samedi matin, je n'avais encore bousculé aucune personne par maladresse comme à mon habitude. On m'avait souvent dit qu'auparavant, il y avait beaucoup de gens qui se promenaient ici, et qu'il était même impossible de voir la couleur du trottoir. Je n'arrivais pas à l'imaginer. Pourtant, je l'avais surement connu, mais .. Vous connaissez cette impression, celle d'avoir ce que vous voulez sur le bout de la langue mais pourtant vous ne parvenez pas à l'obtenir ? Je vivais avec cette impression chaque jour de ma pitoyable existence. Perte de mémoire temporaire, les médecins avaient dit. En tout cas, pour l'instant, je n'avais pas encore eu de flash qui aurait pu me rappeler ne serait-ce qu'une petite part de ma vie passée. Avant que je tombe malade. Je devais surement avoir de la chance de ne pas me rappeler de la catastrophe qu'avait fait subir le virus, mais je ne pouvais bien sûr pas la réaliser. Tout le monde avait des photos, se rappelait avec nostalgie des moments passés avec leur famille, leurs frères, leurs sœurs, leurs parents .. Je ne me souvenais de rien. D'absolument rien. Cela me rendait triste, de ne même pas pouvoir mettre une image sur les rôles de père et de mère que tout le monde avait. Est-ce que j'avais de la famille dans la ville ? Je n'étais tout de même pas seule au monde. Il était très étrange d'imaginer que je pouvais rencontrer par hasard quelqu'un qui partageait un peu de mon sang, et de ne même pas le savoir. D'un sens, nous partagions tous du sang, puisque nous descendions tous de la même créature vivante. Mais même. A ces pensées, ma gorge se noua et l'arête de mon nez commença à me picoter. Ce n'était vraiment pas le moment de me mettre à pleurer ! Ce que je pouvais être sensible. Je me demandais si je me comportais de la même manière avant d'avoir eu cette amnésie, ou si j'avais complètement changé de comportement. Il restait quand même très étrange que personne ne soit venu me retrouver. J'étais surement une personne détestable, et il avait du être un grand soulagement pour mes proches de savoir que je ne me rappellerai pas d'eux. Ou en tout cas, les premiers moments après mon rétablissement.

PASSANT ▬ Vous pourriez faire attention !

Je relevais la tête, étonnée. Est-ce que je m'étais fait trop vite de faux espoirs, en espérant ne causer le malheur de personne aujourd'hui ? Apparemment. Pourtant, il ne me semblait pas avoir senti quelque chose.

JENNY ▬ Je suis vraiment désolée, veuillez m'excuser je ..

Je m'arrêtais en me rendant compte que la personne était partie. Un véritable fantôme. Peut-être que j'avais vraiment des dommages cérébraux et qu'il serait utile de me faire faire un scan .. J'y penserai surement à un autre moment. Je remettais souvent en doute ma santé mentale, ayant toujours l'impression d'avoir des hallucinations. En fait, j'étais plus rêveuse et tête en l'air qu'autre chose, et avais l'impression que les choses disparaissaient alors que j'avais simplement oublié que je les avais déplacées.
D'ailleurs, j'étais tellement dans mes pensées à ce moment là que je faillis rater ma destination, c'est-à-dire, le magasin. Après avoir réalisé que j'étais arrivée, je tournais rapidement et passais l'antre des portes coulissantes. Il faisait légèrement plus frais qu'à l'extérieur, et je toussais légèrement à cause de ce changement de température. J'étais désespérément frileuse, et sortais toujours avec plusieurs couches de vêtements sur le dos. Ce n'était pas très pratique. Je me rendis vers les plats cuisinés et en prit quelques uns, avant de me rendre vers la caisse. Cela me suffirait pour le repas de ce soir. Malgré mes 19 ans -qui étaient quand même peu-, j'étais une fille très débrouillarde et indépendante. Étant donné que je n'avais personne pour me soutenir, après cette amnésie, j'avais appris à tout faire toute seule et cela m'allait très bien. Je tendis l'argent que j'avais trouvé au fond de ma poche, et regardais l'heure. Il ne fallait pas trop que je tarde, et que je revienne rapidement au centre, comme il me l'avait été dit. Je n'aimais pas ne pas respecter les règles, c'était tout moi. Mon plat en main, je me dirigeais rapidement vers l'extérieur et commençais à rentrer. Au loin, je sentais un regard peser sur moi, et je relevais la tête pour découvrir qu'un garçon était en train de me fixer. Surement parce que je pensais que ça ne pouvait pas être possible, j'avais tourné la tête pour voir si quelqu'un était derrière moi, mais non. Peut-être qu'il m'avait prise pour quelqu'un d'autre; ce n'était pas impossible. A cette pensée, je continuais à marcher sans faire attention quand il s'approcha, et se planta devant moi.

JENNY ▬ Excusez moi, je voudrais passer ..

Il ne semblait pas comprendre. Il avait cette sorte de sourire béat aux lèvres, et je me demandais à quoi il pensait. Etait-il un fou ? Avait-il de mauvaises intentions ??

JENNY ▬ J'ai dit Excusez moi ..
ALEXANDER ▬ Jenny !

Je lui demandais comment il connaissait mon prénom, et il commença à me raconter un peu n'importe quoi. A vrai dire, je n'écoutais même plus, j'avais trop peur que ce garçon soit là pour me faire du mal. Je commençais à marcher rapidement vers le centre, alors que lui trouvais des histoires rocambolesques pour que j'aille le suivre. J'avais quand même toute ma tête, et je n'étais pas si naïve ! S'il croyait que j'allais avaler toutes ces sornettes .. Il prétendait que j'étais sa soeur. Je crois que si j'avais eu un frère, je l'aurais su ! J'aurais eu un flash en le voyant, ou une de ces choses là. Et les médecins me l'auraient dit .. Il serait venu me voir plutôt .. Il ne fallait même pas que j'écoute tout ce qu'il avait à me dire. Il fallait juste que je sorte d'ici, et vite fait bien fait. Il continuait et continuait à me suivre, mais je restais de marbre. Pour ne pas me laisser influencer par ce qu'il voulait dire, je chantais intérieurement un air qui me semblait familier. Puis, dès que le centre fut en vue, je m'y précipitais et montais rapidement pour m'enfermer dans ma chambre. Il ne manquait plus que ça, que je me fasse harceler par un fou !